Le soin, une histoire partagée entre soignants et parents

À l’occasion de la Semaine de la sécurité des patients 2025, le CHU de Clermont-Ferrand se mobilise autour du thème défini par l’Organisation mondiale de la santé : Des soins sûrs pour chaque nouveau-né et chaque enfant.

Ce thème met en lumière la nécessité de renforcer la sécurité des soins pédiatriques et néonataux pour protéger les enfants des dommages évitables. Les nouveau-nés et les enfants sont particulièrement vulnérables aux risques liés aux soins médicaux, notamment en réanimation ou en cas de traitements complexes.

Dans ce cadre, nous avons rencontré des acteurs engagés dans la prise en charge des bébés prématurés. Ils partagent ici leur vision de la sécurité des soins pour les nouveau-nés, entre expertise médicale et accompagnement parental.

Dr Anaik Provost et Dr Chloé Saunier
M. Vincent Desdoit, Relations Soignants pour l’association SOS Préma

Dr Provost et Dr Saunier

« Les nouveau-nés prématurés sont extrêmement fragiles. Ils présentent des risques spécifiques liés à l’utilisation de dispositifs médicaux (cathéters, sondes…), à leur immaturité rénale, hépatique et digestive, ou encore à leur peau très sensible. La surveillance en réanimation est essentielle, mais elle doit s’inscrire dans une démarche de soins de développement. Le peau à peau, même dans des situations techniques, est un levier majeur de stabilité. »

Vincent Desdoit

« Les familles ont confiance dans les compétences techniques des équipes. Mais leur perception de la sécurité inclut aussi leur propre place auprès de leur bébé. La séparation est source d’insécurité. À l’inverse, le peau à peau rassure les parents et améliore la stabilité clinique du bébé. La sécurité, c’est aussi le respect du droit fondamental des parents à être présents. »

Dr Provost et Dr Saunier

La sécurité des soins repose sur une vigilance collective et une coordination rigoureuse entre tous les professionnels impliqués. Les erreurs évitables peuvent survenir à différentes étapes du parcours de soin, notamment lors de la prescription, de la préparation ou de l’administration des traitements.
Pour les nouveau-nés prématurés, chaque geste compte. Il est essentiel que chaque acteur — du prescripteur (le médecin), au préparateur (pharmacien ou personnel de la biberonnerie pour les laits), jusqu’à l’administrateur (infirmier, auxiliaire ou médecin) — soit pleinement conscient de son rôle et des vérifications nécessaires. Cela implique :

  • Une traçabilité rigoureuse des dispositifs médicaux (cathéters, sondes, capteurs…) et une surveillance continue de leur bon fonctionnement.
  • Des protocoles de double vérification pour l’administration des médicaments, notamment les dosages adaptés à l’immaturité des organes du nouveau-né.
  • Une gestion sécurisée du lait maternel, depuis le recueil par la mère, le stockage dans des conditions optimales, jusqu’à l’administration au bébé, avec une identification claire et sans ambiguïté.

En somme, la sécurité ne dépend pas uniquement de la technicité médicale, mais de la capacité de l’équipe à travailler en synergie, à anticiper les risques et à intégrer les parents comme partenaires vigilants du soin. »

Vincent Desdoit

« Les familles expriment généralement une très grande confiance dans les compétences techniques des équipes soignantes. Elles savent que leur enfant est entre de bonnes mains. En revanche, leur perception de la sécurité ne s’arrête pas aux gestes médicaux : elle est aussi liée à la place qu’on leur laisse auprès de leur bébé.
Lorsque les parents sont séparés de leur enfant, notamment en réanimation, beaucoup décrivent un sentiment d’insécurité, d’impuissance, parfois même de culpabilité. À l’inverse, quand ils peuvent être présents, participer aux soins, tenir leur bébé en peau à peau, ils disent se sentir rassurés et utiles. Leur présence devient alors un facteur de sécurité, autant pour eux que pour l’enfant.

Les bénéfices ne sont pas seulement émotionnels : ils sont aussi médicaux et neurodéveloppementaux. De nombreuses études montrent que le peau à peau améliore la stabilité cardiorespiratoire, régule la température, diminue les épisodes d’apnée et favorise un meilleur sommeil. Il réduit également la douleur et le stress du nouveau-né, tout en stimulant la production d’hormones favorables à la croissance et au développement cérébral.

La présence parentale continue, au-delà des gestes techniques, constitue donc un véritable soin à part entière. Elle participe directement à la sécurité médicale, en renforçant la surveillance et la réactivité, mais aussi à la sécurité développementale de l’enfant, en posant les bases d’un attachement sécurisé et d’un meilleur devenir à long terme.

Dr Provost et Dr Saunier

« L’intégration des parents commence dès la période anténatale, avec les consultations en cas de grossesse à risque. Ensuite, nous les accompagnons dans les soins (change, visage…), encourageons le peau à peau et l’allaitement, et favorisons leur présence grâce aux chambres individuelles et à la présence d’une psychologue. »

Vincent Desdoit

« Chez SOS Préma, nous soutenons les parents par l’accompagnement direct et par des actions concrètes : fauteuils de transfert, bandeaux de peau à peau, guidance pour la Charte du Nouveau-né Hospitalisé. Ces gestes facilitent le zéro séparation et changent profondément le quotidien des familles. »

Dr Provost et Dr Saunier

Ces dernières années, nous avons mis en place plusieurs protocoles et pratiques innovantes visant à renforcer la sécurité des soins tout en favorisant l’implication des parents dans le parcours de leur enfant.

  • L’alimentation poussée par les parents est l’un des axes majeurs. Même lorsque le nouveau-né n’est pas encore autonome, nous encourageons les parents à participer activement à son alimentation, que ce soit par le biais du lait maternel ou en accompagnant les soins nutritionnels. Cela permet non seulement de renforcer le lien parent-enfant, mais aussi de sécuriser les pratiques en impliquant les familles dans les gestes du quotidien.
  • Les transferts autonomes des parents pour les enfants les plus stables sont également encouragés. Une fois que les conditions médicales le permettent, les parents peuvent eux-mêmes déplacer leur enfant dans le service, notamment pour les séances de peau à peau. Cela nécessite bien sûr une formation et un accompagnement, mais cela contribue à leur autonomie et à leur confiance, tout en allégeant la charge des équipes.
  • Le fauteuil de transfert entre la salle de naissance et le service de néonatologie est une innovation concrète qui permet de réaliser le peau à peau dès les premières minutes de vie, même pour les bébés prématurés. Ce dispositif, utilisé par exemple au CHU Estaing, permet un transfert sécurisé et doux, tout en maintenant le contact physique entre le parent et l’enfant. Il s’agit d’un véritable outil de soin, qui favorise la stabilité clinique du nouveau-né et réduit le stress lié à la séparation.

Ces pratiques, bien qu’elles puissent sembler simples, ont un impact profond sur la qualité et la sécurité des soins. Elles traduisent une évolution vers une néonatologie plus participative, où les parents ne sont plus seulement spectateurs, mais pleinement acteurs du soin. »

Vincent Desdoit

« Aujourd’hui, nos projets s’articulent autour de deux axes principaux : le matériel facilitant le zéro séparation et l’évolution des pratiques hospitalières.

  • Sur le plan concret, nous continuons à financer et à offrir du matériel dans les hôpitaux pour permettre aux parents de rester auprès de leur bébé. Cela passe par des fauteuils de transfert en peau à peau ou encore des bandeaux de peau à peau, déjà remis en nombre, par exemple au CHU Estaing de Clermont-Ferrand. Ces équipements, souvent perçus comme de simples accessoires, sont en réalité des leviers puissants pour permettre une présence continue des parents, même dans les services de soins intensifs. Ils participent directement à la sécurité affective, émotionnelle et clinique de l’enfant.
  • Sur le plan institutionnel, nous déployons activement la Charte du Nouveau-né Hospitalisé (CNH), qui définit dix droits fondamentaux pour l’enfant et ses parents. Le principe de zéro séparation y occupe une place centrale, car il améliore la sécurité des soins, soutient le lien parents-enfants et favorise le neurodéveloppement du nouveau-né. Cette démarche vise à transformer les organisations hospitalières pour qu’elles intègrent pleinement les familles dans le parcours de soin.

Enfin, nous développons de nouvelles formations certifiées Qualiopi, à destination des professionnels de santé. Ces formations intègrent systématiquement la place des parents comme partenaires de soins, et visent à renforcer la culture de sécurité dans les services de néonatologie. Elles permettent aux équipes de mieux comprendre les enjeux du lien parent-enfant, de prévenir les risques liés à la séparation, et de favoriser une approche globale du soin, centrée sur l’enfant et sa famille. »

Dr Provost et Dr Saunier

« Le premier peau à peau est toujours un moment fort. Malgré la crainte initiale, le sourire des parents une fois leur bébé contre eux est inoubliable. Ce transfert doit être sécurisé pour le bébé et rassurant pour les parents. »

Vincent Desdoit (témoignage de Marie, maman de Jonas)

« Malgré la qualité des soins, la séparation a été une souffrance. Le jour du premier peau à peau, nous avons retrouvé notre place de parents. »

Marie, maman de Jonas né à 28S+4j