Du mercredi 5 au vendredi 7 février, Clermont-Ferrand a accueilli la session de l’École nationale de la thrombectomie, un événement réunissant les plus grands spécialistes français de cette technique essentielle dans la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Placée sous l’égide du Collège des Enseignants de Radiologie de France (CERF), de la Société Française de Radiologie (SFR) et de sa filiale spécialisée, la Société Française de Neuroradiologie (SFNR), cette session a permis à de jeunes radiologues de bénéficier d’un enseignement de pointe sur les dernières avancées en matière de thrombectomie.
Dans une ambiance studieuse et conviviale, ces journées ont été l’occasion de partager des expertises, perfectionner les techniques et renforcer les liens au sein de la communauté médicale engagée dans la lutte contre l’AVC.
La thrombectomie : une avancée essentielle dans la prise en charge des AVC
Chaque année en France, environ 150 000 personnes sont victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC), soit un AVC toutes les 4 minutes. Parmi elles, 20 000 à 30 000 patients pourraient bénéficier d’une thrombectomie mécanique, une procédure de désobstruction des artères cérébrales pratiquée dans des services spécialisés de neuroradiologie interventionnelle.
Les AVC se divisent en deux catégories principales :
- Les AVC ischémiques (les plus fréquents), dus à une obstruction des artères cérébrales. Cette obstruction peut être causée par une sténose athéromateuse (rétrécissement de l’artère lié au vieillissement vasculaire) ou par un embole (caillot sanguin migrant et obstruant un vaisseau). Certains troubles du rythme cardiaque, comme la fibrillation auriculaire, peuvent également favoriser leur survenue.
- Les AVC hémorragiques, moins courants mais plus complexes à traiter, surviennent lorsqu’un vaisseau sanguin cérébral se rompt, entraînant un saignement intracérébral.

Une technique salvatrice
La thrombectomie mécanique consiste à réouvrir une artère obstruée par une sténose ou une occlusion en extrayant les caillots présents dans les vaisseaux intracérébraux. Cette intervention vise à rétablir rapidement la circulation sanguine cérébrale, limitant ainsi les séquelles neurologiques et améliorant considérablement les chances de récupération des patients.
Grâce aux progrès de la neuroradiologie interventionnelle, la thrombectomie s’impose aujourd’hui comme une technique incontournable dans la prise en charge des AVC ischémiques, offrant un espoir accru de récupération pour des milliers de patients chaque année.
AVC : chaque minute compte
Lorsqu’un accident vasculaire cérébral (AVC) survient, la rapidité d’intervention est essentielle pour limiter les séquelles et améliorer les chances de récupération.
Reconnaître les signes d’alerte :
- Troubles de la parole
- Paralysie ou engourdissement d’un côté du corps
- Perte soudaine de coordination ou de vision
Face à ces symptômes, il est impératif d’appeler immédiatement le 15. Ce geste permet d’activer la chaîne de soins et d’orienter le patient vers un centre spécialisé
Une prise en charge rapide et efficace
Dès l’appel aux secours, tout est mis en œuvre pour intervenir sans délai :
- Transport médicalisé vers un hôpital spécialisé pour une prise en charge immédiate.
- Évaluation clinique par un neurologue afin d’établir un diagnostic précis.
- Imagerie cérébrale en urgence (scanner ou IRM) pour identifier l’origine de l’AVC et mettre en place le traitement adapté.
Qu’il s’agisse d’une thrombolyse médicamenteuse ou d’une thrombectomie mécanique, chaque minute gagnée augmente les chances de récupération.
Une révolution dans la prise en charge des AVC ischémiques
La thrombectomie a marqué un tournant majeur dans le traitement des AVC ischémiques. Introduite au début des années 2010, cette technique a été rigoureusement évaluée et reconnue comme fiable, efficace et essentielle en Europe à partir de 2015. Le CHU de Clermont-Ferrand fait figure de pionnier en la matière, pratiquant cette intervention depuis 2012-2013.
Cette procédure repose sur une revascularisation mécanique, réalisée en collaboration avec une équipe d’anesthésistes-réanimateurs. Dans les cas les plus simples, l’intervention peut être effectuée en moins de 30 minutes, tandis que les situations plus complexes nécessitent parfois jusqu’à deux heures.
Si la thrombectomie est aujourd’hui une avancée majeure, son efficacité dépend du temps écoulé entre l’apparition des symptômes et l’intervention en neuroradiologie interventionnelle vasculaire. Plus le geste est réalisé tôt, meilleures sont les chances de récupération du patient.
Avant cette avancée, les options thérapeutiques étaient limitées, notamment à la thrombolyse, un traitement médicamenteux destiné à dissoudre les caillots, mais qui ne pouvait être utilisé que dans certaines conditions. Grâce à la thrombectomie, un plus grand nombre de patients peut désormais bénéficier d’un traitement efficace, réduisant considérablement les séquelles de l’AVC ischémique.

Une intervention mini-invasive aux résultats prometteurs
Grâce aux avancées médicales, les neuroradiologues sont aujourd’hui capables d’intervenir de manière mini-invasive sur les artères du cerveau, avec des résultats remarquables. L’intervention consiste à accéder aux vaisseaux cérébraux en ponctionnant une artère superficielle au pli de l’aine, l’artère fémorale. À partir de ce point d’entrée, un cathéter est guidé à travers le réseau artériel jusqu’au cerveau, où il permet d’extraire le caillot responsable de l’AVC.
Cette technique, qui ne nécessite aucune chirurgie ouverte, représente une véritable révolution thérapeutique, comparable à l’impact des antibiotiques en leur temps. En termes d’efficacité, environ 40 % des patients traités en tirent un bénéfice majeur : au lieu de rester lourdement handicapés, ils retrouvent une fonction cérébrale satisfaisante après un suivi en médecine physique et de réadaptation.
À bien des égards, cette procédure s’apparente à l’angioplastie utilisée pour déboucher les artères coronaires du cœur. Elle illustre parfaitement les progrès de la médecine moderne, où précision et rapidité d’intervention permettent de transformer le pronostic des patients victimes d’un AVC.

Une spécialité en plein essor
La thrombectomie mécanique connaît un développement croissant, à la fois en pratique clinique et en formation, grâce à l’émergence de nouveaux outils et techniques. Aujourd’hui, 53 centres en France réalisent cette intervention, qui s’impose comme une réponse essentielle à l’AVC ischémique.
L’AVC étant une urgence médicale imprévisible, la prise en charge doit être assurée 24 heures sur 24. En pratique, une grande partie des thrombectomies sont réalisées en dehors des horaires ouvrables, ce qui nécessite une organisation rigoureuse et une permanence des soins optimale. Pour garantir l’accès à cette intervention, il est donc crucial de former un nombre suffisant de spécialistes.
C’est dans cette optique que l’École nationale de la thrombectomie, organisée chaque année à Clermont-Ferrand, joue un rôle clé. Elle permet de former une trentaine de radiologues interventionnels à cette technique de pointe, renforçant ainsi les effectifs médicaux et améliorant la couverture des soins sur le territoire.
Le Pr Louis Boyer, responsable du pôle de radiologie du CHU de Clermont-Ferrand
Le Dr Géraud Forestier, neuroradiologue, praticien hospitalier en radiologie
